3

 

Tout dans le bateau et dans la petite cabine donnait à Cadfael le sentiment d’un ordre parfait, mais il ne mit pas le jugement d’Emma en doute. Une jeune fille qui accomplissait son troisième voyage, habituée à utiliser au mieux un espace réduit, savait exactement où elle rangeait ses affaires, et le moindre faux pli, le moindre objet déplacé dans le joli coffre bas sous la planche du lit suffisait à l’alerter et à trahir l’intervention d’une main étrangère. Mais qu’on se soit efforcé de tout remettre en état était surprenant. Cela signifiait que le visiteur avait pu prendre tout son temps, puisque l’équipage était absent. Elle avait cependant affirmé qu’on n’avait rien volé.

— En êtes-vous sûre ? Vous n’avez guère eu le temps de tout examiner. Regardez encore attentivement avant d’en parler à Hugh Beringar.

— Est-ce indispensable ? demanda-t-elle, assez surprise, voire inquiète. S’il n’y a pas de dommage, pourquoi lui causer de nouveaux soucis ?

— Mais, mon enfant, vous ne voyez pas que tout s’enchaîne un peu trop bien ? Votre oncle assassiné, la péniche visitée.

— Mais il n’y a aucun rapport, s’empressa-t-elle de dire. C’est un voleur qui est passé par là.

— Et qui n’aurait rien pris ? Ce ne sont pourtant pas les objets de valeur qui manquent.

— Il a peut-être été dérangé...

Mais, incapable de se convaincre elle-même, sa voix se perdit.

— Vous croyez ? Pour moi, il a pris le temps de fouiller partout, sans créer de désordre. Et il est parti quand il a eu fini.

Mais fini quoi ? N’avait-il pas trouvé ce qu’il cherchait ?

Emma, dubitative, se mordit les lèvres et regarda autour d’elle, en réfléchissant.

— Bon, s’il le faut... Vous avez raison, j’ai parlé trop vite, je vais y regarder de plus près. Inutile de lui raconter les choses à moitié.

Elle se mit méthodiquement à la tâche, posant chaque objet, chaque vêtement sur le lit, dépliant même ceux qu’elle croyait avoir été manipulés, et les repliant quand elle était satisfaite. Enfin elle s’assit sur ses talons et regarda Cadfael, les sourcils froncés.

— Oui, on a pris des choses, mais si adroitement que je n’aurais rien remarqué avant mon retour. Il y a une ceinture à moi qui a disparu, avec un fermoir d’or, une chaîne d’argent, et des gants avec des broderies d’or. Si je n’avais pas eu un pressentiment en entrant, je ne me serais rendu compte de rien, car je n’en aurais pas eu besoin pour le moment. Qu’est-ce que j’aurais fait avec des gants en août ? J’avais acheté tout ça à Gloucester en remontant le fleuve.

— Et chez votre oncle, que manque-t-il ?

— Apparemment, tout est là. Si on avait laissé de l’argent ici, il n’y en a plus. Mais son coffre est à la baraque. Il n’emportait jamais d’objets de valeur dans ce genre de déplacements, sauf ses bagues qu’il portait toujours. Et moi, je n’aurais pas eu ces babioles si je ne les avais achetées en venant.

— On dirait donc que celui qui a eu le front de monter à bord a eu la sagesse de ne prendre que des broutilles, faciles à glisser dans ses manches ou sa bourse. Ce n’est pas idiot. Même s’il se comportait naturellement, il soulèverait quand même une certaine curiosité s’il débarquait les bras chargés des robes et des chemises de votre oncle.

— Cela vaut-il la peine de déranger Hugh Beringar et le shérif pour un vol aussi banal ? demanda Emma, avec une moue dubitative. C’est dommage quand on pense à tous ses autres soucis. Oui, c’est vraiment regrettable alors qu’il a tant de questions plus importantes à résoudre. Et vous savez, il ne s’agit que d’un vol tout à fait banal, dû au fait que le bateau était resté vide. Des petits oiseaux de proie auront trouvé une bonne occasion.

— Nous devons absolument lui en parler, affirma Cadfael. C’est à la justice de déterminer si cela a ou non un rapport avec la mort de votre oncle. Pas à nous. Prenez ce dont vous avez besoin et on ira le voir tous les deux, si on peut le trouver à l’heure qu’il est.

Emma rassembla une robe et une tunique propres, des bas, et de quoi se changer, tous ces objets mystérieux dont les femmes ont besoin. Elle gardait un visage parfaitement tranquille que Cadfael trouva admirable, mais qui l’étonna. La découverte de cette intrusion l’avait inquiétée et troublée. Pourtant elle avait très vite retrouvé son calme et semblait fort peu affectée par la disparition de ces quelques objets de valeur. Il se demanda pourquoi elle tenait tant à ce qu’on ne relie pas cet incident à la mort de son oncle, alors qu’elle même – effet pervers de l’innocence – venait sans y penser de raccorder ces deux faits.

— Enfin, dit-elle en serrant son ballot dans les plis de sa jupe et se relevant promptement et souplement, on ne pourra pas accuser le fils du prévôt. Il est enfermé dans une cellule du château et cette fois le shérif pourra lui servir de témoin.

 

Hugh Beringar s’était accordé un moment de repos pour prendre le repas de midi avec son épouse. Grâce à Dieu, le premier jour de la foire s’était jusque-là déroulé sans incidents, désordres, ni querelles, sans accusations de malhonnêteté ou de pratiquer des prix excessifs ; on ne s’était pas coupé la gorge, on ne pratiquait pas de prix trop bas, comme si ce qui s’était passé la veille au soir, avec le résultat que l’on sait, avait calmé les contrevenants ordinaires. Les affaires étaient florissantes, les taxes et les loyers affluaient dans les caisses de l’abbaye, et apparemment on continuerait à travailler ainsi jusque tard dans la nuit.

— J’ai acheté de la laine filée, lui annonça Aline ravie de ses achats, et du beau drap de laine, si doux. Touche ! Constance a choisi deux balles de toisons chez le marchand gallois de Cadfael. Elle veut les carder et les filer elle-même pour le bébé. Et puis j’ai changé d’avis pour le berceau ; je n’ai rien vu à la foire qui vaille ce que fait Martin Bellecote. Je vais m’adresser à lui.

— La petite n’est pas rentrée ? demanda Hugh, un peu surpris. Elle a quitté le château bien avant moi.

— Elle a peut-être été chercher des affaires à la péniche. Elle n’avait rien à se mettre la nuit dernière, tu sais. Elle voulait aussi passer chez Bellecote pour le cercueil de son oncle.

— Elle l’a fait en partant. Martin est passé au château à ce sujet avant mon départ. Ils vont descendre le corps ici, à la chapelle, avant la nuit. C’est quelqu’un de bien, cette Emma, dit-il appréciateur. Oui, ce n’est pas une mauviette. Elle n’a pas voulu qu’on accuse le jeune Corvisart d’être l’agresseur, que la victime soit ou non son oncle. Elle a été très claire. Il a commencé poliment, a été mal reçu, il a commis l’erreur de prendre le vieux par le bras, et il s’est fait assommer comme un boeuf à l’attache.

— Et lui, que dit-il ? demanda Aline, levant les yeux de la boule de laine douce qu’elle caressait avec amour.

— Qu’il n’a pas revu maître Thomas, et qu’il n’en sait pas plus que nous sur le meurtre. Mais le fauconnier de Corbière prétend qu’il s’est répandu en menaces contre le vieux chez Wat jusque tard dans la soirée. Qui sait ! Le plus doux des agneaux – et il n’a rien d’un agneau ! – peut être amené à se battre si on l’attaque mais un couteau dans le dos, non, je n’y crois pas.

— Voilà Emma, dit Aline, désignant la porte.

La jeune fille entra vivement, ses vêtements dans les bras, suivie de Cadfael.

— Désolée d’avoir tant tardé. Mais nous n’y sommes pour rien. Il est arrivé quelque chose de fâcheux, oh, rien de grave ; toutefois frère Cadfael dit qu’il faut que je vous en parle.

Cadfael resta silencieux, évitant de la presser, et la laissa raconter à sa façon ; ce fut très simple comme si ce qu’on lui avait dérobé ne l’intéressait pas. Elle décrivit cependant les objets précieux exactement comme elle les lui avait décrits, et s’étendit un peu sur les détails.

— Je ne voudrais pas vous ennuyer avec des vols de friperies. On m’a dérobé une ceinture et des gants. Et alors ? J’ai perdu bien davantage. Mais comme frère Cadfael insistait, je vous ai tout rapporté.

— Il a eu raison, dit vivement Hugh. Cela vous surprendra peut-être, mon enfant, de savoir que nous n’avons pas eu une seule plainte pour vol aujourd’hui, de tous les marchands présents à la foire. Cependant, quand il s’agit de votre oncle, les ennuis se succèdent. Est-ce seulement dû au hasard ? Y aurait-il quelqu’un ici qui ne s’intéresserait à personne d’autre que lui ?

— Je savais que vous penseriez ça, répondit-elle en soupirant. Mais c’est le hasard qui a voulu qu’il n’y ait personne sur la péniche cet après-midi, puisque Roger était avec nous au château. Je doute qu’il y ait eu une autre péniche sans personne à bord. Les voleurs ont l’oeil pour ces détails. Ils prennent ce qui leur tombe sous la main.

Il y avait du vrai là-dedans, et elle n’était certes pas du genre à négliger les arguments qui renforçaient sa thèse. Cadfael ne broncha pas. Ce n’était pas encore le moment de discuter de tout cela avec Beringar. Pour trouver la réponse aux questions, inutile d’interroger Emma ; à quoi bon ? Elle avait oublié d’être sotte, et étant donné les circonstances présentes, elle apprenait constamment. Mais pourquoi tenait-elle tant à ce qu’on considère cette fouille comme sans importance, sans rapport avec le meurtre de Thomas ? Et pourquoi avait-elle affirmé sans sourciller, sous le choc de la découverte et sans prendre le temps de tout vérifier en détail, qu’on n’avait rien pris ? Comme si, négligeant cette intrusion, elle avait de bonnes raisons de penser qu’elle avait été inutile ?

« Et cependant », se dit Cadfael en regardant son visage rond et résolu et ses yeux clairs qui ne se dérobaient pas au regard inquisiteur de Hugh, « je jurerais que cette fille est honnête et que ce n’est pas une menteuse ».

— Vous n’avez pas besoin de moi, Emma vous dira tout, déclara-t-il. Il est presque l’heure des vêpres ; il faut que j’aille voir l’abbé. Nous aurons du temps après le souper, Hugh.

 

Radulf savait écouter. Il ne posa aucune question, ne fit aucun commentaire tandis que Cadfael lui racontait, sans être interrompu, ce qui s’était passé à l’audience et la surprise qu’ils avaient éprouvée à la péniche. A la fin, il resta un bref instant sans rien dire, réfléchissant à ce qu’il venait d’entendre.

— Eh bien, voici un acte illégal dont l’accusé ne saurait être coupable, quoi qu’il puisse en être du reste. Pensez-vous que cela tendrait à affaiblir les soupçons qui pèsent sur lui, même en ce qui concerne le meurtre ?

— Il me semble que oui, mais cela ne le disculpe pas. Il est très possible, comme le croit Dame Vernold, que les deux choses n’aient aucun rapport ; il n’y avait pas de gardien, alors on a volé ce qu’on pouvait dans la péniche. Pourtant si on s’en prend à la vie d’un homme, puis à ce qu’il possède, il ne s’agit pas d’un simple hasard, il y a de la méthode là-dedans.

— La jeune fille est maintenant notre hôte, dit l’abbé, et nous sommes responsables de sa sécurité. Deux attaques contre un homme, avez-vous dit, et contre ses biens. Et s’il y en avait d’autres ? Si un ennemi rusé veut atteindre un but, il ne s’arrêtera peut-être pas à la visite de cet après-midi ; nous avons bien vu que l’histoire ne s’arrête pas à la mort du marchand. La jeune fille se trouve chez le shérif adjoint, elle ne saurait se trouver en meilleures mains. Mais elle est aussi notre hôte. Il me déplairait que les membres de notre communauté soient dérangés dans leurs prières et leurs devoirs, et que l’harmonie des offices soit troublée ; je ne veux pas non plus qu’on parle de tout cela sauf vous et moi et pour autant que cela puisse aider la justice. Mais vous, frère Cadfael, vous êtes déjà concerné, vous connaissez toute l’affaire. Acceptez-vous de suivre ce qui va se passer et de garder un oeil sur nos hôtes ? Je vous confie les intérêts de l’abbaye. Ne négligez pas vos prières, sauf si c’est indispensable, mais je vous autorise à aller et venir à votre guise et à ne pas suivre les offices si besoin est. Quand la foire sera finie, ces pièces seront vides, les marchands, nos locataires seront partis. Ce sera à nous de protéger les justes et de prévenir les menaces des injustes. Mais tant qu’ils sont là, faisons tout ce que nous pouvons.

— Je suivrai vos ordres de mon mieux, père abbé.

 

Il se rendit à Vêpres le coeur lourd et l’esprit troublé, mais il était cependant heureux de la mission que lui avait confiée l’abbé. Il était, c’est vrai, impossible de ne pas se faire de souci. Dans une affaire aussi compliquée, maintenant qu’il savait ce qui se passait, mis à part l’intérêt qu’il portait naturellement à la jeune fille, il ne pouvait pas nier que la vie bénédictine, si on suivait fidèlement la règle, limitait singulièrement la mobilité d’un homme pendant une bonne partie de la journée.

En attendant il chassa de sa pensée le problème d’Emma Vernold avec un effort qui aurait dû lui valoir la considération du ciel et il ne se soucia que de célébrer dignement Vêpres. Après le souper, il se rendit au cloître et ne fut pas surpris de voir que Beringar l’y attendait. Ils s’assirent dans un coin où la brise du soir les entoura doucement ; ce qu’on voyait dans la cour n’était que vert émeraude, pierre gris pâle, et ciel très bleu se fondant dans ce vert à travers un lacs de bruyères que les dernières roses à l’odeur entêtante teintaient de rouge sombre.

— Oh ! vous, vous avez du nouveau, dit-il, regardant son ami avec méfiance. Comme si on n’en avait pas eu assez aujourd’hui !

— Et qu’en déduisez-vous ? demanda Hugh. Il n’y a pas une heure, un gamin qui pêchait dans la Severn a repêché un gros paquet de vêtements détrempés. Sa ligne a failli casser, alors il a tout remis à l’eau, mais comme il était curieux, il l’a ramené vers le bord pour le prendre sans peine. Il y avait une belle robe de laine, taillée pour un homme corpulent, et une autre avec de l’argent dedans.

Il rencontra le regard vif, alerte, de Cadfael qui semblait évoquer des certitudes, plutôt qu’interroger.

— Bon, quoi d’autre ? On n’a pas dérangé Emma pour ça, qui aurait eu ce courage ? Elle dessine pour Aline un modèle d’ourlet brodé pour une robe de bébé, qu’elle a trouvée en France. Elles font penser à deux soeurs. On a donc été chercher Roger Dod pour l’identification. Sans nul doute, c’est la robe de Thomas. On fouille la rivière pour trouver la tunique et la chemise. Pour un voleur quelconque, cette robe valait un mois de travail.

 

— Donc, aucune crapule ne l’aurait jetée à l’eau ? dit Cadfael.

— Jamais !

— Il y avait aussi les bagues qu’on lui a prises. Mais elles étaient un peu trop belles pour les jeter, même pour prouver que la haine et non la cupidité était le mobile du crime. Les bagues auraient coulé, même si on les avait jetées dans la Severn. Alors pourquoi les jeter ?

— Comme toujours, dit Hugh, haussant ses fins sourcils noirs, vous me devancez. A ce propos, Ivo Corbière fait remarquer à juste titre que ce genre de meurtrier n’aurait pas perdu son temps à déshabiller sa victime avant de la jeter à l’eau ; il l’aurait laissée là, et il aurait filé à toutes jambes. Il a raison. A quoi bon se venger sur des vêtements ? C’est le crime qui compte ! A quoi mon patron a répondu que l’assassin a pu avoir la même idée et dévêtir le cadavre justement pour donner le change. Et voilà maintenant qu’on repêche la robe du mort.

« Alors dites-moi un peu, mon ami, que peut-on en déduire ? »

— Deux choses au moins, constata Cadfael à regret. Si on n’avait pas retrouvé cette robe, le vol aurait paru la meilleure solution, ce qui aurait été en faveur de Corvisart. Mais la discussion qui a eu lieu au tribunal a peut-être bien donné à quelqu’un l’idée de jeter la robe à un endroit où on avait de bonnes chances de la retrouver. Cela arrangerait bien le meurtrier si les soupçons pesant sur le prisonnier se transformaient en certitudes. A condition bien sûr que cette andouille soit innocent.

— C’est vrai, des soupçons se renforcent, s’il y a plus d’un témoin. En ce cas, ce n’est pas très malin de se débarrasser de la robe pour prouver qu’il ne s’agit pas d’un vol et puis de se glisser à bord de la péniche alors que Philippe est emprisonné au château et donc forcément innocent.

— D’accord, mais notre suspect pensait que le vol ne serait pas découvert avant que la péniche soit à Bristol, ou en chemin. Croyez-moi, Hugh, je n’avais absolument rien remarqué d’anormal à bord, Emma a dit elle-même qu’elle ne se serait aperçue de rien avant d’être de retour chez elle. Elle avait fait ces achats en route, et ne comptait pas les utiliser tout de suite. Il a fallu qu’elle arrive presque au fond de son coffre pour se rendre compte de quelque chose.

— Ce vol semblerait indiquer que les deux affaires n’ont aucun rapport, observa Hugh, avec un sourire ironique, comme Emma tient tant à le croire. Si la haine avait été à l’origine du meurtre, pourquoi commettre ensuite ce médiocre larcin ? Vous croyez vraiment qu’il n’y a pas de rapport ? Moi pas !

— Les coïncidences, cela existe. N’écartez pas cette possibilité. Mais je ne peux m’empêcher de penser qu’une seule personne est responsable et du meurtre et du vol, et qu’il ne s’agissait ni de vol ni de haine, sinon plus rien ne se serait produit après le crime.

— Mais au nom du ciel, Cadfael, pourquoi, après avoir tué un homme, ce besoin de voler des gants, une ceinture et une chaîne ?

Cadfael secoua la tête, découragé, il n’avait pas de réponse à cela, ou n’était pas encore prêt à en donner une.

— Je n’en sais fichtre rien. Mais je crains fort que tout ne soit pas terminé. L’abbé m’a chargé de suivre l’affaire pour le compte de l’abbaye, et j’ai donc la permission d’aller et venir comme je le jugerai utile. Il a dans l’idée qu’on a monté quelque chose contre ce marchand de Bristol et que sa nièce n’est peut-être pas vraiment en sécurité non plus. Si Aline pouvait la garder près d’elle, ce serait parfait. Mais je la surveillerai aussi. Bon, il faut que je file à Complies. Si je dois plus tard manquer des offices, autant que je finisse bien cette journée.

Et sur ce, il se leva en bâillant.

— Priez pour que la nuit soit calme, lui demanda Hugh, se levant aussi, car nous manquons d’hommes pour patrouiller. Je vais aller faire un tour sur la première enceinte avec mon sergent, on montera jusqu’à la foire aux chevaux. Et puis au lit. Je ne l’ai pas beaucoup fréquenté la nuit dernière.

 

La nuit du premier août, où s’ouvrit la foire de Saint-Pierre, fut tiède, claire et assez calme. Les échoppes restèrent ouvertes fort tard et nombreux furent ceux que la tiédeur du soir invita à venir faire un tour et des achats. Les hommes du shérif revinrent en ville et même les serviteurs de l’abbaye, laissés là en cas de désordre, n’avaient guère de travail. Il était minuit passé, les dernières torches et autres lampes s’éteignirent et le silence nocturne descendit sur la foire aux chevaux.

La péniche de maître Thomas se balançait doucement au gré du fleuve. Thomas lui-même gisait, enveloppé dans son linceul, dans la chapelle abbatiale. Dans son atelier en ville, Martin Bellecote, le maître-charpentier, travaillait encore sur le beau cercueil doublé de plomb qu’Emma avait commandé. Et dans sa cellule étroite et poussiéreuse, Philippe Corvisart tournait et retournait son corps meurtri sur sa mince paillasse ; incapable de dormir, il s’agitait et revoyait sans cesse le visage d’Emma, son expression perplexe mais apitoyée.

La foire de saint Pierre
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